Taxation d’honoraires : exécution provisoire et honoraires de résultat

J’ai été récemment confronté au problème suivant dans un dossier dans lequel j’étais l’avocat d’un avocat :

 Un client insatisfait du montant des honoraires de son conseil a saisi le Bâtonnier d’une demande en restitution.

 La critique portait en particulier sur le montant de l’honoraire de résultat que le client jugeait excessif, estimant que la convention avait été surprise par le dol.

 Le délégué du Bâtonnier a fait droit à cet argument, a annulé la convention d’honoraire et a fixé les honoraires de l’avocat au visa de l’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, avec exécution provisoire sur le tout.

 S’en est résulté pour l’avocat l’obligation d’avoir à restituer une somme très conséquente, nonobstant l’appel avec toutes les difficultés inhérentes à ce genre de situation : impossibilité de régler le montant de la condamnation, saisies attributions, comptes bloqués etc.

 La question est : le juge pouvait-il, dans cette hypothèse, revêtir sa décision de l’exécution provisoire ?

 Rappelons que le Bâtonnier est le seul compétent en première instance pour trancher « les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats ».

 L’article 175-1 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat précise, dans sa rédaction issue du décret n°2022-245 du 25 février 2022, que :

 « La décision du bâtonnier peut, même en cas de recours, être rendue exécutoire dans la limite d'un montant de 1.500 euros, ou, lorsqu'il est plus important, dans la limite des honoraires dont le montant n'est pas contesté par les parties. Ce montant doit être expressément mentionné dans la décision ».

 L’alinéa suivant précise par ailleurs que

« Pour les honoraires excédant le montant fixé en application du premier alinéa, le bâtonnier peut, à la demande d'une des parties, décider, s'il l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, que tout ou partie de sa décision pourra être rendue exécutoire même en cas de recours ».

 Le dernier alinéa précise enfin que :

« Les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables à la part des honoraires fixés en exécution d'une convention établie sur le fondement du cinquième alinéa de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 » article 10 qui dispose que « toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu » (en gras et par nous souligné).

 Il faut comprendre :

  • Que les décisions du Bâtonnier sont désormais, et depuis le 27 février 2022, assorties de l’exécution provisoire de droit jusqu’à 1.500 €

  •  Qu’elles peuvent l’être aussi, et au-delà de ce montant :

    •  Dans la limite des honoraires dont le montant n’est pas contesté par les parties ou,

    • À la demande de l’une des parties et si le Bâtonnier l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, que tout ou partie de sa décision pourra être rendue exécutoire. L’effort de motivation des décisions rendues par le juge taxateur parisien reste, sur ce dernier point, limité.

  •  En revanche, la rédaction du dernier alinéa de l’article n’est pas sans susciter des questions :

    •  D’abord s’agissant de la portée de l’exception à l’exécution provisoire :

      • La doctrine majoritaire considère qu’il faut comprendre que le juge de l’honoraire ne peut pas ordonner d’exécution provisoire s’agissant des seuls honoraires de résultat

      • Mais une application littérale de l’article 175-1 pourrait conduire à une appréciation moins favorable à l’avocat. Le texte indique en effet que les dispositions relatives à l’exécution provisoire ne sont pas applicables à la part des honoraires fixés en exécution d’une convention établie sur le fondement de l’article 10. Or l’article 10 interdit les seuls honoraires de résultat mais autorise, « outre la rémunération des prestations effectuées » « un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ».

Et rien n’indique formellement que l’exécution provisoire est seulement inapplicable à la part de l’honoraire qui dépend du résultat du litige. Cette “part” pourrait très bien par exemple être celle correspondant aux honoraires fixés au temps passé dans une convention prévoyant en outre un honoraire de résultat. Faudrait-il comprendre que cela renvoie à une part fixe ou une part variable d’honoraires ? Ou que l’exécution provisoire est insusceptible d’être prononcée dans un litige dans lequel le juge taxateur doit faire application d’une convention prévoyant un honoraire « classique » ainsi qu’un honoraire de résultat ?

 Que l’on retienne une vision extensive ou restrictive de ces dispositions, l’exécution provisoire semble exclue en matière d’honoraire de résultat

  •  Ensuite, s’agissant de la conséquence de l’annulation d’une convention prévoyant un honoraire de résultat :

 Les dispositions du décret se « placent » dans un prisme « avocat » puisqu’il s’agit de statuer sur le montant et le recouvrement de ses honoraires. Le texte ne dit rien sur le pouvoir d’annuler une convention et sur la conséquence d’une telle annulation, l’obligation d’avoir à restituer les honoraires.

 Et précisément, si le juge ne peut pas ordonner l’exécution provisoire s’agissant de la détermination de l’honoraire de résultat, la logique voudrait qu’il ne puisse pas plus ordonner la restitution dudit honoraire sous le bénéfice de l’exécution provisoire.

 Arthur FABRE

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