Précision sur le point d’arrivée du délai d’un mois dont dispose le créancier pour saisir le juge compétent après une ordonnance du juge-commissaire.

Cass. Com., 4 octobre 2023, n°22-14.439

Lorsque le juge-commissaire invite les parties à saisir le juge compétent pour statuer sur le bien-fondé et le quantum de la créance, ces dernières ont un mois pour agir.

Loin d’être anodine, la précision apportée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 4 octobre 2023 intéressera les praticiens des procédures collectives.

La problématique est la suivante : l’article R.624-5 du Code de commerce (applicable aux procédures de liquidations judiciaires par renvoi de l’article R.641-28 du Code de commerce) précise que :

« Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte ».

Au cas d’espèce, suite à l’ordonnance du juge commissaire, le créancier avait bien pris le soin d’assigner le liquidateur judiciaire et le débiteur (dont la présence est obligatoire s’agissant d’un contentieux l’intéressant au premier plan, le litige étant par ailleurs indivisible) devant le tribunal de grande instance d’Évreux dans le mois de l’article R.624-5 du Code de commerce mais l’assignation n’avait été placée qu’après l’expiration du délai d’un mois.

La Cour d’appel de Rouen avait, sur le fondement combiné de l’article R.624-5 du Code de commerce et 857 du Code de procédure civile (applicable pour les procédures devant le tribunal de commerce), estimé que :

« le tribunal qui n'est saisi que par la remise au greffe de l'assignation et non par la délivrance de l'assignation aux parties, l'a été postérieurement au délai d'un mois de la notification de l'ordonnance du juge commissaire » avant de déclarer les demandes irrecevables.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Rouen au visa de l’article R.624-5 du Code de commerce en jugeant que :

« En statuant ainsi, alors que le tribunal était réputé saisi dès la date de la délivrance de l'assignation, dès lors que celle-ci avait ensuite été remise au greffe, la cour d'appel a violé le texte susvisé » 

Cette solution interroge dans la mesure où l’article R.624-5 impose de saisir la juridiction compétente dans le mois de la notification de l’ordonnance du juge commissaire et que l’article 757 du Code de procédure civile applicable aux procédures initiées devant le tribunal de grande instance disposait :

« Le tribunal est saisi, à la diligence de l'une ou l'autre partie, par la remise au secrétariat-greffe d'une copie de l'assignation ».

Des dispositions identiques existent désormais à l’article 754 du Code de procédure civile applicable en matière de procédures devant le tribunal judiciaire.

Il est vrai que la Haute juridiction avait pu, par avis du 4 mai 2010, préciser que « lorsqu'une demande est présentée par assignation, la date d'introduction de l'instance doit s'entendre de la date de cette assignation,  à condition qu'elle soit remise au secrétariat-greffe ».

Cette solution avait été réaffirmée après cette date par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation.

La Chambre commerciale entend-t-elle se ranger derrière cette position et uniformiser sa jurisprudence en la matière ? La question peut se poser quand l’on sait que la Chambre commerciale a pu juger que :

  • la copie de l'assignation en paiement délivrée avant la liquidation n'avait été remise au greffe du tribunal que le lendemain de l'ouverture de ladite procédure, qu'il n'existait pas d'instance en cours au jour du prononcé de la liquidation judiciaire, susceptible d'enlever au juge-commissaire le pouvoir de statuer sur la créance déclarée (Cass. Com. 12 janvier 2010, n°08-19.645)

  • l’assignation en report de la date de cessation des paiements doit être signifiée ET faire l’objet d’un placement dans l’année du jugement d’ouverture (Cass. Com. 22 novembre 1994, n°92-17.868).

Il appartiendra à la Chambre commerciale de nous confirmer sa position. Précision utile mais incomplète et affaire à suivre donc.

Arthur FABRE

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